VIES SILENCIEUSES

Seigneurs du désert. Hommes bleus. Maîtres gracieux de cette vaste étendue inhospitalière. Que sont-ils devenus, ces nomades altiers et libres ? Quelle est leur vie de sédentaires par cas de force majeure, à la suite des profonds changements politiques, économiques et climatiques qui ont percuté leur société ?
Touchée par le décalage que je constatais entre le mythe qui les voilent et la réalité entr’aperçue, j’ai voulu partager le quotidien des Touaregs vivant dans le Sahara algérien. Voir de mes yeux, ce qui pour moi veut dire : avec mon appareil photo. Par les images, garder la trace de cette culture traditionnelle dont la déstabilisation commença au début du XXe siècle et pour laquelle la modernité n’a pas de place. C’est une culture en pleine mutation, et cette  mutation menace son existence même.
Des familles dans les villages de sédentaires du Tassili du Hoggar et dans les campements semi-nomades du Tassili n’Ajjers m’ont laissé approcher leurs vies marginalisées. Vivant péniblement de leurs jardins et de leurs chèvres, ces personnes à l’existence fragile m’accueillirent chaleureusement, simplement, me permirent de partager leur dénuement, leur harmonie. A chaque séjour, quelle humilité m’emplit devant leur volonté tenace à vivre librement dans la mesure d’un possible qui se rétrécit inexorablement.
Les Touaregs m’ont entourée de gentillesse, mais n’ont jamais livré leurs secrets. Et tant mieux. Ils gardent leur mystère, comme gardent le leur ces impressionnants paysages âpres et brûlés qui les entourent.
Mêler harmonieusement un désir photographique et un désir de témoignage. Suggérer le mystère de ces individus pudiques et leur calme précarité, leur fragilité. Composer avec cette lumière du Sahara, poétique et souvent implacable. Volonté et défi.
Les images de Vies Silencieuses et les visages de Treg (mot touareg qui signifie « vivre sans entrave ») sont une série de moments et de regards (les miens, les leurs), prélevés sur le réel de ce peuple fier qui s’accroche à leur style de vie avec un entêtement doublé/né du sentiment de vivre la fin d’un mythe.